Payon à tire d’ailes

Payon. Tu n’aimes pas cette ville, et pourtant, une fois de plus tu y mets les pieds.

Payon… si tu devais lui attribuer une couleur, serait-ce vert ou marron ? Non pas que tu n’aimes pas la nature, les petits oiseaux et le vent dans les branches des arbres… Tu n’aimes pas Payon. C’est différent.

Et pourquoi ? Tu ne saurais vraiment le dire… ce côté pittoresque exagéré peut-être ? Ou les gens qui y vivent ? Étonnamment, tu y croises toujours des hunters prétentieux. Eux te diront que la vantardise est la caractéristique des épéistes ou des mages. Mais toi, non, tu persistes. Ils sont toujours là à penser que leur vision des choses est constamment la meilleure. La plus rusée, la plus rapide, la plus efficace. Ils ne voient jamais autrement qu’avec leurs flèches. Ils voient loin, c’est vrai, mais regarder le bout de leur nez de temps en temps ne ferait pas de mal. Tu ne crois pas ?

Archer… voilà quelque chose qui ne t’attire pas, n’est-ce pas, Else ?
En même temps… rien ne t’a jamais attiré. C’est consternant. Tu critiques bien plus que tu agis. Ne nies pas, c’est l’évidence même.

Comment s’appelait-il ce jeune archer que tu as croisé, la dernière fois que tu avais dû passer dans cette ville ? Tu ne sais déjà plus. Une rencontre qui ne t’a pas énormément marqué, visiblement. Pourtant, moi je m’en souviens. Ce n’était pas son prénom… un pseudonyme, comme ils aiment à en user, ici. La mémoire ne me revient pas. Dommage. Toujours est-il que son faucon était venu se poser sur ta tête, sans la moindre politesse. D’autres lieux auraient fait de bien meilleures pistes d’atterrissage… mais non. Les volatiles ont des mœurs bien étranges. Son propriétaire t’avait apostrophé dans un large sourire. Il avait ton âge. Se voulait-il charmeur ? Tu ne t’étais pas posée la question, à peine l’as-tu entendu que tu as froncé les sourcils. Tu ne voulais pas parler. Engager une conversation t’exaspérait moralement. Pourtant, tu t’étais forcée à répondre à ses diverses questions. Sur le pourquoi tu te trouvais ici, sur ce que tu attendais, sur ce que tu comptais faire de ta journée, et sur le fait que tu n’attendais pas à l’auberge, comme la majorité des gens.

Non, toi tu avais élu domicile sur une souche d’arbre, non loin de l’armurerie de Payon. Tu n’avais pas vraiment réfléchi, il faut dire. Tu t’étais traînée dans les rues et avais aperçu ce siège de fortune. Ce qui t’avait amplement suffit. Les genoux recroquevillés sur toi-même, étirant quelque peu ta tunique blanche, tu te contentais d’observer les passants, les yeux dans le vague, l’esprit perdu dans tes pensées. Et lui t’en avait extirpé. Ou tout du moins, son oiseau. Raison de plus pour le fusiller du regard. Raison de plus pour ne pas lui faire l’honneur de te souvenir de son surnom grotesque. Aigle agile ? Bison futé ? Grands Pas ? Pfff… ridicule, oui. Pendant combien de temps avait-il raconté son baratin avant de se rendre compte que si tu secouais énergiquement ta tête ce n’était pas à cause d’un tic mais bel et bien parce que la présence de son animal t’insupportait ? …surtout qu’il s’amusait à faire des va-et-viens sur tes épaules, le plus naturellement du monde. Aussi sans gêne que son propriétaire celui-là. Il avait tendu sa main gantée, et le faucon s’y était posé, après maintes hésitations, baissant la tête, l’air bougon.

« On dirait qu’il t’aime bien. »

C’est ça, c’est ça. Ce n’était nullement réciproque. Pourtant, tu as opté pour ne rien dire. Détournant les yeux et suivant du regard une magicienne à la longue cape blanche qui passait non loin. Les experts des arcanes t’ont toujours impressionné, eux. Pas comme le jeune homme sur-excité qui te parlait depuis plusieurs minutes désormais.

Après le blabla de base – qui il était, ce qu’il faisait, pourquoi était-il là, son âge, son (sur)nom… -, il n’avait cessé de vouloir t’inviter. Si si, ne me fais pas croire que tu ne te souviens pas. Il voulait te faire voir le lieu d’entraînement de l’école des archers de Payon, tu avais décliné l’invitation. Toujours avec ce ton posé et cette politesse excessive qui te caractérise. Il en avait été déstabilisé pendant un petit moment, puis avait repris de plus belle.

« Tu as faim ? »
« – Non. »

Tu le connaissais à peine, il te tutoyait. Toi, tu le vouvoyais. Tu n’avais pas envie d’en savoir plus sur lui. Sa présence te dérangeait. Mais pour ne rien changer, tu ne sais pas et n’as jamais su te montrer catégorique envers quelqu’un. Dès qu’il t’avait abordé, tu aurais voulu lui faire comprendre que tu préférais rester seule. Que la compagnie de quelqu’un te fatiguait. Même si tu le pensais, les mots n’étaient pas sortis de ta bouche. Il en avait profité. Ce n’était pas la première fois que cela t’arrivait. Et certainement pas la dernière…

« Je connais un pub bien sympa, il n’est pas loin. Ça te dirait d’y prendre un verre ? C’est moi qui invite. »
« – Non merci. »

Pourquoi fallait-il que cela t’arrive à toi ? T’étais-tu trouvée au mauvais endroit au mauvais moment ? Pourquoi le volatile avait choisi ta tête ? Comme si tes cheveux anormalement clairs avaient attiré son regard… et celui de l’archer à qui il appartenait…
Pas de chance… mais pas la peine de s’apitoyer non plus. Si la situation te lassait, autant le faire comprendre plutôt que te laisser écraser par l’exubérance de ce Don Juan. Dans bien des situations, tu sais faire preuve de force de caractère, et là tu le laisses te noyer sous son flot de paroles, sans bouger, sans rien dire de plus que le strict nécessaire. Il t’ennuie. Si tu avais été mage, tu aurais fini par lui faire subir cette magie de glace que tu avais déjà eu l’occasion de voir à l’oeuvre. Il aurait fini enrobé d’une épaisse couche gelée qui aurait refroidi ses ardeurs. Néanmoins, tu n’avais choisi aucune voie, tu ne faisais que rechercher un fantôme que jamais tu ne rattraperais… En parlant de fantôme, qu’avait-il dis, ce fauconnier, pour que tu te décides enfin à réagir ?

Laisse-moi me souvenir… ah oui, quelque chose comme :

« Une jolie fille comme toi ne devrait pas rester seule… tu es en bonne compagnie, rassure-toi. »

Tu n’avais pas bronché, une fois de plus.

« Tu n’es pas bien bavarde. Es-tu certaine de ne pas être un fantôme que j’aurais imaginé ? »

Il était vraiment dérangé celui-là ! Exaspérée, tu t’étais levée. Si tu ne parvenais pas à lui dire ce que tu pensais de son comportement, au moins, tes actions pourraient toujours lui faire comprendre. Tu t’étais redressée et avais marché droit devant toi, t’enfonçant dans l’allée principale de Payon, faisant face à l’armurerie et aux diverses grandes enseignes de la ville. Agacée, vexée en ton for intérieur et piquée au vif, ton allure se faisait déterminée, à coups de grandes enjambées.

Cela aurait pu être une belle sortie, en effet. Cependant, on parlait bien de Payon, et son temps régulièrement pluvieux qui faisait le bonheur de la forêt avoisinante… Tes pas se voulaient rapides, mais tu n’avais pas fait attention au chemin boueux sur lequel tu t’étais engagée… allée piétonne très fréquentée. Et tu as fini par glisser. Ne parvenant pas à garder ton équilibre, tu t’étais étalée, il faut le dire, au beau milieu des passants. Ta tunique n’avait plus grand chose de blanc… C’est Galen qui crierait, une fois de plus.

Tu les avais entendu rire de toi. Ils devaient te croire totalement stupide. C’était l’image que tu devais donner… tu n’osais pas te relever, ne voulant pas affronter les regards. Aucun ne t’aidait. Certains te ciblaient du doigt, d’autres te dévisageaient, l’air peiné, mais le sourire au coin des lèvres. Le rouge aux joues, honteuse et abattue, tu finis par te relever, les mains désormais crasseuses posées sur le sol humide. Ce n’était vraiment pas ta journée, ce n’était pas qu’une impression…

Tu entendis la voix railleuse de l’archer de toute à l’heure :

« Et alors, mon fantôme, on ne sait pas marcher ? »

Pour qui se prenait-il ? Tu aurais bien aimé lui faire comprendre ta façon de penser, mais une fois de plus, tes actes étaient à l’opposé de ta pensée. Tu continuas à lui tourner le dos, et dévalas avec précipitation une petite rue perpendiculaire… Là au moins, tu restais à l’abri des remarques. Tu avais passé le reste de la journée adossée à un mur, attendant sans bouger le retour de ton tuteur. Il t’avait fais la morale, comme toujours, sur le fait que tu étais incapable de rester tranquille, que jamais il n’avait vu plus tête en l’air que toi, etc… Tes paroles d’excuse ne l’apaisèrent pas beaucoup, et la route du retour s’était faite en silence.

Tu lèves les yeux. L’allée de ta chute honteuse de la dernière fois se dresse devant toi. Il n’a pas plu ces derniers jours, tu pourras cheminer sans crainte ce coup-ci. Roh… ne te vexes pas. Espère plutôt ne pas recroiser d’archer en manque d’amour. Vu qu’ici c’est leur territoire, voici qui s’avère déjà plus difficile. Et voilà, tu recommences ! Tu fais tout pour ne pas m’entendre.

Oui oui, je sais, tu n’aimes pas Payon. Tu te répètes, Else… Il te faut quand même attendre ton tuteur. Prends ton mal en patience.

Qu’est-ce que tu penses d’aller prendre un verre ?

(Un texte écrit en 2007, dans ma période Ragnarok Online)

Triste piédestal.

Cette hilarité grasse et nauséabonde dans laquelle il évolue. Il ne peut pas s’en empêcher. Consciemment ou non, il mime les attitudes, il reprend les expressions, il s’adonne à leurs vices. Ils s’échangent des surnoms grossiers et absurdes. Il devient l’un des leurs.

Après tout, c’est toi qui l’y as mené. Il avait le talent uniquement. Ce talent magistral. Toi tu as fait le reste.

Et maintenant, tu ne peux que regarder, de loin. Tu l’as monté jusque-là, sur ce piédestal de débauche, et désormais il s’émancipe de ces liens, un par un. Ce n’est pas de l’ingratitude. Il ne se rend pas compte. Il précipite sa chute et toi tu veilles dans l’ombre, toujours.

Tu n’attends plus rien de sa part. Tu sais que pour toi il est trop tard. Tu l’as dans la peau. Il peut te faire subir les pires des épreuves, te ridiculiser, t’humilier en face d’eux, tu ne bronches pas. Pour toi, il est réellement trop tard. Tu ne te représentes plus la vie sans lui. Tu es pathétique, tu le sais. Mais tu restes là, fermement ancré sur tes jambes, un sourire pincé… et tu attends. Il reviendra. Il revient toujours. Il peut tout leur promettre. Il peut se donner à eux de bien des manières, se repaitre de leurs corps, se laisser engloutir par leurs vaines tentatives d’esprit. Pauvres êtres suffisants et vulgaires !

Tu as compris qu’il a besoin de ça.

Et au final, il revient toujours. Il a besoin de toi comme tu as besoin de lui.

Dans la nuit qui décline, quand ses jambes lâchent, que ses mains tremblent et qu’il régurgite le contenu de son estomac… tu es le pilier, le roc, le phare dans la nuit, l’inflexible. Celui qui ne lui tournera jamais le dos. Et c’est dans tes bras qu’il se blottit.

Toi seul connais la saveur de ses larmes.

(Un texte qui m’est venu à l’esprit après avoir vu Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert)

Merci.

Seule l’envie de sourire comptait, et rien d’autre. Les yeux qui pétillent, le visage qui se pare d’un rictus peut-être pas toujours élégant mais libre, franc, spontané et naturel. Et cela suffisait, ils ne demandaient rien de plus. Être présent. Être heureux. Être là, ensemble. Dans l’euphorie d’un instant ponctuel, certainement trop court, mais intense par la joie qu’il procurait et l’envie de n’être nulle part ailleurs. Réellement nulle part ailleurs. De ces amitiés qui ne demandent ni quand, ni comment, ni pourquoi, mais qui profitent plus que jamais de ces instants volés et partagés. Rires. Amitié. Câlins (beaucoup). Jeux. Loup-garou. Caleçon. Des pensées aux absents. Picsou. Cinéma. Geeks. Cœurs. Amour. Courtes nuits. Raclette. Noël. Tournois. Cadeaux. Réveillon. Crêpes. LBAS (…). Time’s up. Câlins (encore). Et bien trop de choses que les mots ne sauront dire. Merci.

Quant à l’après… ce pourrait être triste, bien entendu. Mais il suffit d’inverser la tendance, combler l’absence par le souvenir, et l’énergie revient. Et le sourire est là.

Impulsive imperfection.

Oh, moi… je suis le défaut, l’imperfection, l’éléphant dans le magasin de porcelaine, la flaque d’eau sur le bord de la route alors que vous marchez tranquillement sur le trottoir. Le truc qui vous éclate à la gueule, que vous vous y attendiez ou non. Je suis pas un type subtil. Pourquoi l’être ? Pourquoi perdre son temps en mille et une formules, mille et une politesses ? Je suis le genre qui agit. Qui n’attend pas. Et qui fait tout pour avoir ce qu’il veut, tout de suite. Non pas que je ne sais pas attendre. Mais je n’aime pas ne pas comprendre pourquoi j’attends. Je n’aime pas les promesses en l’air, j’aime les actes. Je n’aime pas qu’on me dise de me calmer. Je n’aime pas qu’on me donne des ordres si rien ne justifie une quelconque supériorité. Je peux être un bon soldat si on me donne une raison de l’être, mais je peux surtout être le type enragé qui foncera droit dans les tranchées adverses si rien ne se décide rapidement. Je n’aime pas qu’on me dise de me taire. Parce que je ne me tais que si je n’ai rien à dire. Malheureusement, il m’arrive souvent d’avoir des choses à dire, et dans ces cas-là, je les dis. Que ça plaise ou non. Je ne suis pas du genre à contenir le fond de ma pensée. Si quelque chose me déplait, je le dis. Si quelqu’un m’emmerde, je lui dis. Si je trouve un plan foireux ou une idée complètement débile, je le dis. J’assume ce que je suis. Je ne fais pas dans la demi-mesure. Je ne fais pas dans les faux semblants. Je suis un type entier, soit on m’apprécie, soit on me déteste. Soit on fait avec moi, soit on fait sans. J’en ai rien à foutre, sincèrement. Je préfère qu’un type qui ne peut pas me blairer le dise, au moins les choses seront claires. Je préfère ça aux hypocrites aux sourires en coin qui parlent de vous dans votre dos et croient être discrets. Ceux-là, ils finissent par se prendre mon poing dans la gueule, à un moment ou un autre.

Placard à balais.

Je me suis cachée dans un placard à balais.

Je me suis cachée dans un placard à balais et j’étais bien. C’était mon placard à balais. Exiguë, certes. Poussiéreux, certainement. Mais rassurant. Pas de mauvaises surprises dans ce placard à balais. Pas de sorcière cachée et très peu d’araignées. Quatre. Je les ai comptées. Je n’étais donc pas réellement seule dans ce placard à balais. Le voisinage était silencieux et quasiment invisible. Le décor ? Minimaliste. Mais il me plaisait. Trois grands balais de formes différentes. Un seau abîmé et une pile de vielles serpillières sur lesquelles je m’étais assise.

Et j’ai attendu. J’ai surement gagné la partie d’ailleurs.
Et je suis restée.

Je me plais dans ce placard à balais.